Je suis le diable. Je suis déjà éternel.

L’été où tout a fondu. Tiffany McDaniel

Il y a de la tragédie shakespearienne dans l’air incandescent de cette petite ville du Middle West. Préparez vous pour une descente en enfer, immergé que vous serez dans la noirceur de l’âme de ces fermiers blancs jaloux, racistes, fanatiques.

La décadence, l’inhumanité, et en face d’eux, cette famille qui recueille Sal, un adolescent noir qui se prétend être le diable. Une famille magnifique, composée d’êtres qui s’aiment fort et s’acceptent tels qu’ils sont.

Après Betty, roman dévoré et « panthéonné », j’ai été très désarçonnée par ce premier roman de l’auteure, trop noir, trop étrange certainement aussi, mais j’aime tellement le style littéraire de T.McDaniel, ses images et comparaisons brillantes d’originalité, ses passages lumineux, qui contrebalancent la tension de cette psychose collective grave et déviante …

Ces gens ont perdu leur libre arbitre , et par là même, ils ont perdu leur raison comme on perd de la sueur dans un bain.

que, malgré ces morts, cette intolérance et ces vices, tous les passages magiques – sur la mère du narrateur entre autres – vous emballent tellement c’est beau. Et vous n’êtes plus qu’admiration devant la force de ce texte.

rentrée littéraire

Cher connard

Je fais partie des rares lectrices à ne jamais avoir lu Virginie Despentes, certainement rebutée par les titres de ses romans ou peu encline à débuter une trilogie. Cependant, tout arrive, et ayant eu l’opportunité d’avoir son dernier roman entre les mains, je l’ai commencé. Je l’ai reposé à la page 42 ou 45, je ne sais plus tant sur les dernières pages, j’allais directement à la ligne du bas dans une lecture rapide qui n’augurait rien de bon.

Ces échanges de mail post Metoo m’ont en effet paru à la fois bavards et plats, dès le début, affligeants dans la pauvreté des termes choisis, familiers et argotiques, racontant une histoire éculée sans aucun intérêt.

Elle est qualifiée de star de la rentrée littéraire ; j’ose espérer que les non-stars nous réserveront de bien meilleures surprises.

Le livre des sœurs

Amélie Nothomb et son livre annuel, sa photo sur la couverture. Un nouveau récit familial, avec un talent indéniable de conteuse, mais aucune magie dans ses mots, quelques uns pour éblouir – je ne les ai pas notés, leur pédantisme me lasse.

Je n’ai pas pris de plaisir à la lire, j’avais hâte d’en finir pour atteindre enfin une bascule dramatique qui n’est jamais arrivée. Tout cela couplé à un certain malaise sur l’histoire de sa cousine anorexique – vous comprendrez en lisant. Navrant.

Pour un souffle de liberté

Là où je me terre de Caroline Dawson

J’avais sept ans la première fois que j’ai décidé de ne pas me tuer.

1986 Caroline et sa famille fuient Valparaiso, le Chili de Pinochet et se réfugient au Canada. Toronto ou Québec … ils choisissent le deuxième et leur nouvelle vie débute dans la misère et la tristesse. Les parents doivent cumuler deux, trois boulots pour s’en sortir, les enfants, eux, vont de cours pour allophones en classes d’intégration jusqu’au collège et son lot de brimades, remarques blessantes, envie de se fonder dans la masse malgré la peau mate et les cheveux noirs tressés.

Je me souviens d’être transie. Des bottes mouillées, des chaussettes humides et des pieds qui puent. Je sais surtout qu’on apprivoisait l’hiver en même temps qu’on apprenait le français.

J’étais outrageusement sonore, enthousiaste, voyante.

Soutenue par ses parents, Caroline apprend tous les codes, s’imprègne de la culture canadienne et oublie sa langue maternelle.

Elle était devenue furtive et sans m’en rendre compte, elle m’avait fuie.

Beaucoup de plaisir à lire cette autobiographie nécessaire pour l’auteure, pour comprendre son itinéraire de réfugiée, rendre hommage à ses parents, ses frères. Merveilleusement écrit, finement expliqué, un récit à la fois personnel et universel, sur la perte des racines, l’excès d’intégration au point de perdre son vrai soi, et l’envie de retrouver ce que l’on a enfoui, lorsque finalement, l’on n’a plus rien à se prouver. Cathartique.

Inventing Anna

Critiques élogieuses, où les mots « intriguant », « fascinant », « paraître » dansent la ronde, qualité des séries Netflix, il ne m’en fallait pas plus pour lancer le premier épisode.

L’arnaqueuse Anna Delvey est en prison, après avoir escroqué des membres de la haute société new yorkaise. Une journaliste assez banale tente d’obtenir son histoire en exclusivité pour relancer sa carrière et faire un pied de nez à tous ces éditorialistes misogynes qui la cantonneraient bien aux rubriques de la Bourse. Elle a du mal à se faire accepter par la jeune femme, mais à la fin du premier épisode, cela semble bien parti pour Vivien. Elle entre ébahie dans des demeures d’un luxe inouïe, elle interviewe des socialites influentes qui n’ont jamais vu à travers Anna, elle fouille, questionne …

Oserais-je l’écrire ? Je viens d’abandonner au mitan du quatrième épisode, crispée par l’accent germano-russe d’Anna, parasitée par les moues/mimiques/grimaces de plus en plus envahissantes de Vivien, endormie par le rythme mou de l’histoire qui s’étire à l’infini. J’ai aussi bien du mal à trouver un intérêt dans ces gens riches entretenant des relations superficielles.

Insupportable …

Next !

We shall never surrender

La peau des pêches de Salomé Berlioux

Docufiction ou autobiographie, je ne sais pas, mais j’ai commencé ce livre et je l’ai fini, sans lever la tête. Une belle écriture, avec une économie de mots, au service d’une souffrance quotidienne, celle des jeunes femmes qui veulent un enfant mais n’y arrivent pas.

Le plus probable est que vous puissiez avoir tous les enfants dont vous rêvez, mais avec d’autres. C’est en fait votre couple qui est infertile.

La violence dans ces mots ! Inouïe.

Les mois passant, il me semble que l’humanité des médecins est une option à laquelle nous ne pouvons prétendre.

On suit Diane de consultations en ponctions, de crises de larmes à état de sidération ; c’est terriblement poignant et, sans aucun jugement, aussi perturbant de voir la place que prend ce combat pour avoir un enfant par Fiv dans la vie d’un couple, l’obsession sous-jacente dès l’âge de 28 ans – mais lui en a 13 de plus. Un texte nécessaire, à fleur de peau et de cœur.

The Undoing

We are never going to be a family again

Mini série HBO. Grace et Jonathan Fraser forment un couple riche et glamour, il est oncologue, elle est psychologue. Ils vivent à New York et ont un ado mature et sympa. Tout déraille lorsque Jonathan est accusé du meurtre d’une jeune femme pulpeuse, mère d’un jeune garçon qu’il a sauvé du cancer. Devenue sa maîtresse possessive et potentiellement dangereuse pour sa famille, il s’en serait sauvagement débarrassé.

Je crois qu’une des raisons pour lesquelles j’ai assez moyennement apprécié cette série est le peu de crédibilité de Hugh Grant dans ce rôle. Je ne saurais pas l’expliquer autrement que – sans bien sûr dévoiler si il est vraiment coupable – je préfère le voir jouer un gars tendres, sur le fil de l’ironie, avec sa façon très unique de draguer les femmes en balançant des phrases sexy du bout des lèvres. Lui, le type menteur, insensible … non, ça ne colle pas. Nicole Kidman est toujours aussi racée, mais les gros plans sur ses yeux constamment remplis de larmes m’ont aussi agacée. Donald Sutherland est par contre formidable dans le rôle du père protecteur, pianiste, aristocrate ; on se prend à envier Grace de pouvoir se réfugier auprès de ce père dans cet somptueux appartement avec une intendante qui vous amène votre verre de scotch.

Très belle chanson de générique avec une interprétation magique de Nicole Kidman de Dream a little dream of me !

Next !

#2

Rubrique réservée aux mauvaises surprises, aux romans qui ne m’ont pas rencontrée et que je n’ai pas terminé ! Honte à moi.

Dans cette rubrique des déclassés, je vous présente Serge, de Yasmina Reza, lâchement droppé à la page 88 alors que j’avais lu le plus gros. Mais là, je ne pouvais plus. La visite de Jean, son frère Serge, sa soeur Nana et sa nièce Joséphine, dans les camps de la mort m’a achevée. L’indigence des dialogues, franchement, était devenue insurmontable. Très déçue donc, car j’avais beaucoup ri au début des sarcasmes du narrateur sur sa famille juive … Mon premier Reza, certainement le dernier hélas.

Le paquebot de Pierre Assouline paraissait très alléchant mais avec des références récurrentes à de grands écrivains français, je me suis rapidement ennuyée. A la trentième page, j’ai refermé.

En descendant la rivière, enfin, d’Edward Abbey, m’a rapidement perdue dans les méandres de ses textes un peu plats.

Regardez nous danser

1968 : à force de ténacité, Amine a fait de son domaine aride une entreprise florissante. Il appartient désormais à une nouvelle bourgeoisie qui prospère, fait la fête et croit en des lendemains heureux. Mais le Maroc indépendant peine à fonder son identité nouvelle, déchiré entre les archaïsmes et les tentations illusoires de la modernité occidentale, entre l’obsession de l’image et les plaies de la honte. C’est dans cette période trouble, entre hédonisme et répression, qu’une nouvelle génération va devoir faire des choix. [Babelio]

Deuxième partie de l’oeuvre Le pays des autres, de Leila Slimani , une de mes auteures chéries. J’y ai retrouvé son immense talent d’écriture, son analyse si fine des relations entre des marocains et des français 10 ans après l’indépendance … la prudence entre les deux groupes pour ne pas froisser.

Et ils riaient, un peu trop fort, quand leurs amis meknassis se désespéraient de construire un jour un pays moderne avec une population d’analphabètes.

Ils ont retourné leur veste, disait-il à Mathilde. Avant, j’étais la raton, la crouille, et maintenant j’ai droit à des monsieur Belhaj en veux tu , en voilà.

Son style me ravit, je le trouve magnifique, des phrases simples mais très évocatrices de l’environnement, des couleurs, des odeurs, des saveurs, des sentiments aussi … La lettre d’amour de Mehdi à Aïcha est sublime. La magie de ses mots, leur suavité .. on sent son plaisir, son bonheur à décrire son pays. On lit aussi sa colère, son combat contre l’injustice car elle ne cache pas « les condamnations, les attentats, les déportations vers des bagnes secrets ; l’arbitraire, la peur, les chuchotements, les menaces de disgrâce. »

Un second volume plus habité que le premier, dans une langue parfaite.

Desperate Mummies

Big Little Lies, saison 1, de Jean-Marie Vallée

You’re not perfect, welcome to the club !

Monterey, California.

Madeline vit avec Ed qui a le sex appeal d’un schtroumpf, elle est divorcée de Nathan qui a refait sa vie avec Bonnie. Avec Nathan, elle a eu Abigail, 16 ans, l’ado qui se cherche, et avec Ed, elle a eu le jeune Chloé, music-addict, presque plus mature que sa mère. La très belle Celeste est mariée au très beau Perry, ils ont des jumeaux adorables, blonds, insouciants – or so it seems- et ils vivent dans une maison de riches avec vue sur l’océan. Jane vit, elle, dans une maison carrée, moche, et élève seule son fils Ziggie -non, mais sans blague – fruit d’une relation non consentie et violente. Renata a une brillante carrière, elle est mariée au lourdaud Gordon et a une petite fille frêle aux grands yeux de chat effrayé, Amabella.

Quatre femmes dont la vie tourne autour de leurs enfants, de leurs problèmes de riches ou moins riches, de leur vie sexuelle, passionnelle ou frustrante ou inexistante. Elles sont insupportables, elles sont hystériques parfois, sous pression et drivées par la nécessité d’être des mères parfaites. Cette série montre bien la pression qui peut peser sur les épaules des femmes, épouses, mères, filles, et bien sûr l’omniprésente loi des apparences lorsque l’on vit dans une petite communauté ultra favorisée.

La série n’évite pas la caricature chez certains personnages, Reese Witherspoon est totalement crispante dans son rôle de Madeline, Nicole Kidman par contre est royale. J’ai trouvé que les séquences étaient vraiment répétitives mais que le dernier épisode plus enlevé était une excellente surprise et permettait d’envisager de regarder la deuxième saison …

Saison 2

Avalée en 24 heures, passionnante et passionnée. Une intrigue plus dense, riche et variée avec des personnages féminins joués par des actrices au sommet de leur art. Chacune fait face à ses propres démons et ses épreuves : Ed apprend que Madelin l’a trompé, et devient d’un coup très séduisant ; Renata pensait être tout en haut, mais Gordon est arrêté par le FBI pour fraudes, ils perdent tout ce qu’ils ont ; la vie de Bonnie est empoisonnée par le gros mensonge, elle se détache de Nathan et voit sa mère revenir dans sa vie ; Jane peine à faire confiance au très charmant collègue de travail qui est amoureux d’elle. Celeste, enfin, doit affronter le chagrin de la perte de son mari, le chagrin de ses deux enfants et la détresse de voir ma mère de Perry, s’introduire chez elle et tel un serpent, se retourner pour la mordre … Mary Louise (Meryl Streep, carte maîtresse) en effet ne veut rien de moins que récupérer la garde de ses deux petits-fils.

Dans cette série, tout est toujours une question de mensonges qui éclatent ensuite au grand jour, et font terriblement mal. Personne n’est en capacité de se taire, ni les enfants, ni les parents. Toute vérité n’est pas bonne à dire et dans ce microcosme qui passe son temps à tout se raconter, les psys ont de très beaux jours devant eux !

J’ai adoré cette saison d’une très grande qualité, j’ai bien ri (les scènes dans le bureau du directeur de Otter Bay School sont hilarantes), j’ai eu envie de pleurer devant la performance de Nicole Kidman. Je vais la retrouver dans The Undoing. Hâte

The Gilded Age

Dans la veine de Downton Abbey – Julian Fellowes aux manettes – dans le New York des années 1880, voici une première saison qui suit les pas de Marian Brooks (interprétée par la fille de Meryl Streep, solaire), belle orpheline sans argent que ses deux tantes recueillent chez elles. Aunt Agnes, coupante comme un rasoir, s’est mariée par sacrifice après que son frère ait dilapidé leur maigre fortune ; elle ne fréquente que le Old New York, n’a que mépris pour le New World et vit avec sa plus jeune sœur, vieille fille un peu perchée, naïve et brave comme du bon pain. La famille du magnat des chemins de fer, Mr Russell, fait construire la maison la plus ostentatoire possible juste en face de chez elles, avec la volonté affichée de conquérir une place à la hauteur de leur nouvelle fortune. Les deux mondes peuvent alors s’affronter !

Cette série peine à démarrer, les catégories de personnages correspondent trop à sa série britannique miroir, sans véritablement prouver leur intérêt à tous et sans profondeur non plus. Les personnels à l’entresol n’ont pas du tout la même prestance, importance ou charisme que ceux de Downton Abbey, ils ne font jamais partie de la famille. La secrétaire noire Peggy sert simplement de faire valoir à Miss Agnes qui lui montre une mansuétude tout à fait étrange si l’on songe à son aversion des nouveaux riches. Jalousie bien sûr. les personnages de la haute sont, eux, mieux dessinés.

La laideur des costumes – nul doute correspondant parfaitement à cette époque – et les fantaisies capillaires à base de tresses sur le sommet du crâne n’aident pas ; Mrs Russell semble parfois tout droit sortie de Blanche Neige ou Cendrillon, mais plutôt la marâtre … ce qui correspond assez bien à son personnage, dur et fort.

La série décolle selon moi vers l’épisode quatre puis se développe avec plus d’intérêt. La dernière image d’une Marian chagrinée donne envie de connaitre la suite.

Il y a beaucoup d’Edith Wharton dans cette peinture assez acide de ces années charnières, où un monde nouveau pousse l’ancien vers les profondeurs de l’oubli, non sans des batailles et des soubresauts de ce dernier certes, mais l’argent étant le nerf de la guerre …