Les collectionneurs d’images

Tout le monde savait tout sur tout le monde sur ce monticule de roches couvert de balanes de l’Atlantique. C’était comme si chacun avait reçu en cadeau de baptême un livret de rôles où étaient inscrites les répliques principales de toute une vie. Y étaient également écrits les mots de passe et les mensonges de circonstances. Il suffisait de feuilleter dans la table des matières.

Ce « monticule de roches », ce sont les îles Féroé. Comme vous, je ne sais pas où cela se situe dans le monde. C’est un endroit rude, où l’on peut vite se sentir à l’étroit. Le groupe des collectionneurs d’images de l’école Saint François de Torshavn qui se réunissait près du poulailler des sœurs a été confronté à des déchirements familiaux, une situation économique fluctuante, mais surtout au regard des autres ; chaque garçon représente une strate de cette micro société et suivre leur parcours d’homme est totalement passionnant.

Ce roman interroge sur la difficulté de l’enfermement sur une île, sur l’orientation sexuelle, sur la masculinité. Kari est le seul survivant du groupe ; Olaf, pourtant gay, fut le seul à avoir de la descendance ; Djalli était le plus brillant mais une méningite l’emporta à l’âge de 11 ans ; la fuite vers le continent n’a pas porté chance à Staffan ; pour Fridrikur, ce fut à l’inverse une querelle sans fin avec des voyous du coin qui entraîna sa perte.

Ce récit doit être lu plusieurs fois pour en apprécier l’incroyable richesse, percevoir les ramifications, appréhender la vie féroïenne, étudier chaque personnalité. Kari fut mon préféré sur cette lecture, mais qui sait si la prochaine ne me rapprochera pas d’un autre collectionneur d’images, coupe blonde au bol, culottes courtes et pull marin.