Trois jours à Oran

Je marcherai à côté de mon père sur les trottoirs bicolores du front de mer, sous les arcades de la rue d’Arzew. Je verrai les lions sculptés de l’hôtel de ville. et les principales artères où mes grands-parents aimaient se promener le soir. J’en ai tellement rêvé.

Elle n’y est jamais allée, sur la terre de ses grands-parents, cette patrie française qui les a rejetés … un paradis perdu qu’elle idéalise. Anne Plantagenet organise un retour à Oran pour son père qui a quitté l’Algérie à 16 ans, a baissé la tête et courbé le dos, un père expert dans l’effacement. Les rapatriés, les pieds-noirs, on les méprise, elle en souffre …« ils avaient la belle vie là-bas de quoi ils se plaignent maintenant« . Elle éprouve de la honte lorsqu’elle entend le racisme affiché dans les mots de sa grand-mère et ose lui dire en face ce qu’elle en pense …« tais toi, pour toi c’est facile. Tu ne sais ce qu’ils nous ont fait. »

Cette fille mal dans sa vie qui a ce besoin vital d’imaginer une dernière fois sa grand-mère adorée, sur les lieux où elle avait été si heureuse, pour ensuite pouvoir faire son deuil et la laisser partir. Ce père qui se transforme dès l’arrivée à Oran, qui retrouve tout, la ferme familiale, l’appartement en ville, les rues. Cet accueil qui leur est réservé là-bas, alors qu’ils pourraient être encore vus comme des colonisateurs profiteurs, la gentillesse, la connivence.

J’ai été bouleversée.

J’aurais aimé que cela ne soit pas trois jours seulement, mais trois semaines, tellement j’aurais encore pu vivre ces émotions à leurs côtés encore et encore.

J’ai parfois été entravée dans ma lecture par des apartés sur sa douloureuse vie amoureuse que j’avais envie de balayer d’un revers de main, comme une mouche qui vous gêne une seconde tant je devais rester à Oran, mais la fin justifie toutes ces révélations trop intimes.

Magnifique découverte que ce roman.

Nous partons, ils restent. Ici, c’est chez eux maintenant. C’est peut-être pour cela que nous sommes venus, pour leur remettre symboliquement les clés, quarante-quatre ans après. Tout est en ordre.

Publié par worldcinecat

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